Vue précédente - Menu - Vue suivante Grammaire (M1550b40p)

f. 12 v°


la prononc̨er ęn z , ęntre deu’ voyęlles , je luy ey
balłé vne cue a la mode dęs Heſpaη̃ols , le tenãt
par c̨e moyen pour vne fac̨on de ſ1 : ę l’ appęlle
ſe , ou ęs2 . Qant ao ‹ch› , je luy done la mę́me cúe qãt
il ſone ęn ſ molle , come , ‹c̨heual› , ‹c̨hien› , ‹c̨hanu› ,
‹c̨hoęzir› : mę́s qant il ſone ęn k aſpiré , je le lę́ſſ’
ęn ſon ęntiér3 : combiẽ q’ il n’ ęt pas fort nec̨eſſę́-
r’ ęn notre lange , come je le vous ey aotrefoęs
dit .

Nous auons vn’ aotre affinité de voęs , qe
vous exprimez par lę’ lęttres ‹b› , ‹p› , ‹ph› , ‹f› , ‹u› , con-
ſonãte : ęntre lę’ qęlles , ‹ph› , ę ‹f› , ne ſont gieres dif-
feręntes : ny ne ſe trouuera pas ‹ph› , fort freqęnt
ęn la prononc̨íac̨íon , ſinõ ęn l’ intęrjęcc̨íon ‹phi› .
Ao regard de l’ ‹u› conſonante , ęll’ aoroęt bien
bezoin d’ ętre diuerſifiée : attęndu qe qant deus
‹uu› ſ’ ęntreſuyuet auęq qelq’ aotre voyęlle , nou’
pouuons prononc̨er l’ un pour laotre _ ęn ‹u› con-
ſonant’ ao comęnc̨ement d’ un vocable : come
‹vuyde› , ‹vúe› : de ſorte q’ ęn pronõc̨ant le premier
de c̨ę’ deu’ vocables ęn voyęlle , nou’ ne parlerõs
pas Franc̨oęs , ſinõ qe nou’ vouluſsions , qe ‹vuy-
de› vint de ‹vuidus› , ę ‹vue› , de ‹vua› , qi vallet aotant
a dire qe humide , ę grappe .4 Or ſeroę́t c̨e’ tęrmes
fort neufs ęn notre lãge : ę la ou ils ſeroę́t rec̨uz ,
le ſeul ſęns y pourroęt doner ordre : car aotre
c̨hoze ſinifíe ‹vuyde› ę ‹vúe› etant le premier ‹v› pro-
nonc̨é ęn conſonante .

Nous auons ęncores un’
aotr’ eſpęc̨e de voęs ęn la lange Franc̨oęze , qi
ont ęntre ęlles affinité , qe nous auons de coutu-


1Cela soustrait le caractère ‹s› ou ‹ſ› à la réalisation de /z/, en rendant bijectif ou biunivoque le rapport entre la lettre S et le son /s/. Rappelons-nous que cette opération (soustraction) n’est qu’une partie de l’ingénierie linguistique de Meigret : résoudre la polyphonie de la lettre C, en en déléguant le son /s/ au ‹ç› ; introduire ce caractère ‹ç›, en même temps que le légitimer par le besoin de remédier la polyphonie de C ; l’inscrire immédiatement la catégorie de la voix S ; renforcer le lien entre le nom et le son de S, et interdire le contexte qui l’actualise en /z/, pour arriver à bijection phono-graphique de /s/ et ‹s›.
2Si nous pouvons tenir pour comparables, « ſe » et « ęs », soit deux groupes nominaux joints par la préposition « ou », il s’en suit que ces deux manières sont égales pour nommer la lettre S, qu’elles sont deux noms d’une même lettre. En effet, dans le récapitulatif des lettres au 15v, « ſ, ç, s, es » sont alignés comme s’ils dénotent un même son.
3son caractère entier, sans rien ajouter
4On comprend que « vuidus » signifie « humide », mais comprend moins le lien entre « vue » et « grappe »