Vue précédente - Menu - Vue suivante Grammaire (M1550b40p)

f. 12 r°


d’ une mę́m’ affinité ſe fuſſet ęntreſuyuíes , jamęs
leurs ſucc̨ęſſeurs n’ ęn vſſet abuzé ſi lejieremęnt .1


De vrey ſi ‹k› , gamma , ę ‹chi›2 , vſſet ęté mis ęn ſuy-
te , com’ etans d’ une mę́m’ affinité , ou ęt l’ home
qi vt ozé pronõc̨er le gamma ęn j conſonante ,
ne ‹chi›3 , ęn ſ , molle , come fõt lę’ Gręcs d’ aojour-
dhuy : ęn prononc̨ant ‹angelus› , ‹chiroteca› , co-
me ſ’ il y auoęt anjelus , c̨hiroteca : c̨e qe de mę́-
mes font lę’ Latins du ‹c› , ę du , ‹g› , lę’ prononc̨ans
ęn ſ , ę , j , conſonant’ auant , ‹e› , ‹i› , ę non contans
de c̨ela il’ appellet le ‹c› , ſé , ę le ‹g› , : combien qe
d’ auant ‹a› , ‹o› , ‹u› , il’ lę’ font ſoner leur propr’ ę natu-
ręl ſon , qi ęt tout aotr’ ę tout tęl qe nou’ pronõ-
c̨ons le ‹c› ęn ‹Cato› , ę le ‹g› ęn ‹Gabrięl› . Il me ſęm-
ble q’ a tout le moins leur deuoęt on lęſſer leur
anc̨ien nom : vu q’ il’ le gardet auant ‹a› , ‹o› , ‹u› , auãt
lę’ qęlles le ‹c› ſone ęn k , ę le ‹g› , ęn ‹gamma›4 . Il y a
aſſez d’ aotres rę́zons dont je me deporte pour
c̨et heure , qe j’ ey ja aotrefoęs deduit , ao moyen
dę’ qęlles j’ ey reduit le ‹c› , a ſon anc̨iene puiſſanc̨’
ęn k , auant toutes voyęlles : l’ appellant ca , ę non
pas ſé pour fuír c̨ete trop inueterée fac̨õ de l’ ap-
peller ſé5 : je fę́s aoſi de mę́mes du ‹g› , l’ appellant
ga6 . Finablemęnt je fę́s ſoner ( come la rę́zon de
leur anc̨iene puiſſanc̨e le veut7 ) toutes conſonan-
tes d’ un mę́me8 ſon auant toutes voyęlles . Mę́s
pour aotant qe9 le ‹c› , ſonant ęn ſ , ſeroęt diffic̨il’ a
otter de l’ ecritture : ę qe ſi ( come la ręzõ le veut )
je mettoę vn ‹ſ› ęn ſa plac̨e , vou’ ne faodriez pas a


1Les lettres / voix qui, dans l’alphabet, se groupent selon leur « affinité(s) » phonétique(s) contribuerait à une mnémonique, qui rappelle le lien entre un caractère et sa puissance. Cela reflète que dans la tête de Meigret, l’« ordre » est souvent conçu en termes spatiaux ou physiques. Le champ lexical de l’architecture, comme « bâtiment », « maison » et « pierre de fondment », en est un aspect ; l’inlassable précision localisatrice ou topique, au moyens des mots comme « précédent », « subséquent », « suivi », « entresuivi », « en suite », etc, fait aussi partie intégrante de cette quête des règles ou lois.
2Selon le contexte, et en référence à la liste de lettres (15v), Meigret aurait pu mettre ici soit les formes ‹k›, ‹g› et ‹ch›, soit leur noms « ca grȩc », « gamma », et « cha aspiré ». La manière « inconsistante » dont ces trois lettres ou graphèmes sont appelés ou référencés montre le fait que Meigret n'a pas encore définitivement arrêté sa grammatologie.
3Voir ‹çh› dans le récapitulatif des lettres au 15v
4« gamma » peut indiquer étroitement la puissance de cette lettre, ou exemplifier en tant que n’import quel mot constitué le son de /g/. La préposition « en » permet ces deux lecteurs. En revanche, dans le cas précédent, le caractère ‹k› ne note que la puissance /k/.
5La polysémie de « appeler » augment la difficulté d’identifier le nom ou le son de lettre. Nous pouvons discerner que la séquence « ce » indique le son /sɛ/, et le ‹ſe› le nom, non seulement grâce au contexte, mais aussi en référence, au moins, aux 7 passages discutant ‹Sé› / ‹sé› / ‹ſé› en M1548 et en M1550.
6Meigret introduit formellement cette lettre grecque dans l’alphabet français, en lui assignant un nom plus court. Ce nom plus court, « ga », rappelle l’analyse phonologique « ‹g›, aoſi ſonant ga auant toutes voyęlles » (17v). Pour le grammairien et réformateur de l’alphabet français, Meigret, la tâche est évidemment primordiale de clarifier, renouer, voire vivifier le rapport entre le son (puissance) et le nom (appelation) des lettres. Rappelons-nous qu’aujourd’hui la septième lettre de l’alphabet français, G, s’appelle /ʒe/ –– au lieu de /ga/, l’idée de Meigret n’est donc pas retenue.
7Cela décèle le fait que dans le cadre de la « naïveté » phonétique, Meigret rétablit, dans la mesure du possible, les son et nom des lettres suivant les Grecs et Latins. Notons que ces « anciens » ou antiques se distinguent des « ancêtres » qui sont les ascendants des Français : « Ao regard de noz anc̨ętres , il’ lę’ nous ont noté d’aoſi pouur’ inuęnc̨íõ » (p. 6r)
8le même son qu’on appele ces lettres, ce qui s’oppose aux diphtongues ou triphtongues qui génèrent un son tiers – autre que les sons individuels des deux ou trois voyelles.
9C’est la limite du projet phonétiste : impossibilité de résoudre la « polyphonie » – deux sons potentiels, /s/ et /k/, en une lettre – de ‹c›.