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f. 10 v°


plurieres du preterit impęrfęt : ecriuans ‹eſtoyẽt› ,
‹diſoient› , ‹venoyent› , pour ‹etoę́t› , ‹dizoę́t› , ‹venoę́t› .

Il
ſẽble qe c̨ete maniere d’ ecritture ſoęt ˷pc̨edée de
deu’ fac̨ons de parler reprouué’ ęntre lę’ bons
courtizans : dę’ qęlles l’ une prononc̨e , ‹oint› , co-
me , ‹eſtoint› , ‹venoint›1 , ę l’ aotre prononc̨e , ‹ient› :
come , ‹eſtient› , ‹venient› . Ę cõbien qe de deu’ mao-
uęs vins on n’ ęn ſaoroęt fę́r’ vn bon bruuaje , l’ a-
bus de l’ ecritture n’ a point fęt de difficulté de fę́-
r’ vn aſſęmblemęnt de c̨ę’ deu’ bęlles fac̨ons de
parler , pour complę́re de l’ une , ao Beaoſſerõ , qi
pronõc̨e , ‹eſtoint› , ‹venoint› , ę de l’ aotre , au Picart ,
qi dit ‹venient› .2 Ao regard de la nayue Francoę-
ze , ęll’ ęt demourée depouruúe : tęllemęnt qe
qant nou’ voyons ‹venoient› ęn ecrit , nou’ ne fę́-
zons ſinon diuiner c̨e qe nou’ deuons pronon-
c̨er : ny ne nous ſęrt l’ ecritture , qe tout einſi qe
fęt vne c̨einture nouée pour la memoęre de qel-
q’ affę́re3 : car qant a la lię́zon dę’ lęttres , ę ſylla-
bes , nou’ ny _ auons poĩt d’ egart , vu q’ ęlle ſe trou-
ueroęt par trop etranje de la pronõc̨íac̨íon Frã-
c̨oęze .

Voęla pourqoę pluzieurs ſe pleη̃et de l’ e-
critture qe j’ ey obſęrué ( combien q’ ęlle ne ſoęt
pas du tout ſelon qe reqeroęt la rigeur de la pro-
nonc̨íac̨íon )4 ęn la tranſlac̨íon du « Męnteur de
Luc̨ían » : come qi ſe treuuet pęrplex , ę ęn peine a
caoze de ſa nouueaoté , tant pour le c̨hãjemęnt
d’ aocunes lęttres , qe pour la ratture de leur ſup̰-
fluíté . Il ęt vrey qe la nayu’ ecritture , ę qi ęt fette


1Meigret tente d’entendre le son ‹venoę́t› (supposons /vən(w)ɛ/) en voyant la graphie existante‹venoient› (voir 11r). La notation d’ici, /(w)ɛ(nt)/ pour ‹oint›, est tout à fait suggestive. Elle suit le principe phonétiste de Meigret, selon lequel toute graphie écrite sonne ; elle est peut-être particulièrement informative ou révélatrice dans ce paragraphe où la prononciation de ‹oint› se contraste avec celle de ‹ient›.
2Ce paragraphe qui contient les constats socio-linguistiques ou dialectaux démontre l’attitude d’observateur de Meigret, ainsi que son étude sur les graphies ou prononciations existantes. Nous voudrons souligner que les multiples tâches du grammairien – prise en compte des graphies existantes, transcription des sons par ses oreilles, théorisation d’un système orthographique – compliquent fatalement l’impression de cette Grammaire.
3Dans ce paragraphe, Meigret laisse entendre que pour la réforme d’orthogrephe, il faut choisir un français standard, « la naïve (langue) française », en écartant les variations de diverses sortes.
4Lisons « pas tout » (négation partielle) plutôt que « pas du tout » (négation totale). Outre la modestie, on perçoit ici que Meigret pense vraiment à une science empirique, durable et continuable. En témoigne la conclusion de la préface : « Ne pęnſé’ pas toutefoęs qe jaye vn’ eſtime ſi outrecuydée de la ſuffizanc̨e de mon ęntęndemęnt , ę de ma dilijęnc̨e , qe je ne tiene mon euure plutót ebaoc̨hemęnt [...] q’ il ne ſoęt biẽ ęzé a tout aotre l’ entreprenant par c̨y apręs » (5r-5v).