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f. 10 r°


tet ſinon ‹ons› , pour ſuír la ſuyte de deus ‹ii› : telle-
męnt qe ‹prier› , ę ‹ouíer› ne font ſinon ‹príons› , ‹o-
uíons› , pour ‹priions› , ‹obuiions›1 , ę gardet l’ ‹i› ,
tęl q’ il ſe treuu’ ęn l’ infinitif2 : de ſorte qe ſ’ il ęt long
, il demeurera lõg , ſi brief ( come qant il fęt diph-
thonge3 ) il demeurera aoſi brief : come de ‹tour-
noyer› , viendra , je ‹tournoyoę› , tu ‹tournoyoęs› , il
‹tournoyoęt› , nou’ ‹tournoyõs› , pour ‹tournoyiõs› .


Ę pourtant je ſeroę d’ auis qe toutefoęs ę qãtes ,
qe l’ ‹i› ſe treuue brief , nous vzaſsions de l’ ‹y› Grec ,
c̨e qe nou’ fęzons , préq’ ęn toutes lę’ diphthon-
ges , come , ‹royal› , ‹loyal› : ę q’ ao demourant il n’ u-
zurpát pas le lieu de l’ ‹ę› ouuęrt com’ ęn ‹loy›* , ‹roy›* ,
‹foy›* , ‹moy›* , ‹toy›* , ‹ſoy›*4 , ou il n’ ęt aocune męnc̨íon de
l’ ‹y› ęn la prononc̨íac̨íon .5

C̨et ‹y› aoſi fęt la triph-
thonge ‹yeu› : come ‹vieus› , ‹yeus› , aoſi fęt il c̨ęlle de
‹yao› com’ ‹aη̃yao› .

Ao regard de l’ ‹o› ouuęrt il ne
fęt point de diphthonge prec̨edant l’ ‹a› , pas qe
j’ aye decouuęrt : ne parelłement auęq l’ ‹e› clós :
mę́s ioint a l’ ‹ę› ouuęrt , il ęſt fort freqęnt ęn la ˷p-
nonc̨íac̨íon Franc̨oęze , qoę qe la plume n’ ęn
neyt _ jamęs fęt conte , vzant qelqefoęs ( come j’ ey
ja dit ) de la diphthonge6 , ‹oy› , es aocuns dęs voca-
bles : come , ‹moy› , ‹toy› , ‹ſoy› , ‹loy› , ‹foy›7 : pour ‹moę› , ‹toę› ,
‹ſoę› , ‹loę› , ‹foę› , qelqefoęs aoſi pour fęr’ ęncor pís ,
il’ luy ont ajouté vne ‹ſ› , : come , ‹cognoiſtre› pour
‹conoętre› . ę non contans de c̨ete lourderíe , qazi
come tumbans de fieur’ ęn c̨hao’ mal , il’ nous
ont introduit ‹oient› pour ‹oę́› , ę’ tierſes pęrſones


1Cette illiustration montre la continuité de la graphie de Meigret en M1548 (p. 27) : ‹í› substitue éffectivement deux ‹ii›, soit la voyelle ‹i› plus longue.
2La morphologie est prise en compte.
3Si on insiste sur le même critère selon lequel « payant » (/pεjɑ̃/, Meigret note ‹pęant›) n’est pas une diphtongue (mais un digramme), on dirait que les diphtongue /jɛ/ dans ‹fier›, /jã/ dans ‹fiãc̨é› ... /jɔ̃/ dans ‹venions› et ‹allions› ne devraient pas l’être non plus. En fait, l’hiatus (son sentiment ou existence) est un problème très délicat en phonétique historique, et la lecture de ce paragraphe reste ouverte. Globalement, la transcription phonétique de Meigret demeure très précise sur la voyelle longue /i/ : irréductible dans /ɥi/ (« huy », « puy ») et /pɥi/ (« huís », « puís »), et impossible de faire une diphtongue.
4Ces graphies ne sont pas les graphies proposées, mais simplement existantes et tolérables. Meigret entend le son /ɛ/ dans ces mots (dans lesquels nous entendons /(w)a/), et rappelle que la séquence ‹oy› ne doit pas dissimuler, « usurper », le véritable son de l’‹ę› ouvert. La compléxité de ce paragraphe est, nous semble-t-il, symptomatique de l’indécision du grammairien : même si les graphies existantes, comme ‹roy› et ‹loy›, ne satisfont pas au principe phonétiste (il faudra alors noter avec l’‹ę› ouvert), mais elles restent intéressantes pour leur lien lexical avec ‹royal› et ‹loyal›. En effet, Meigret a proposé d’écrire ‹loę(s)› (*3 dans M1550, *24 dans l’entitère Grammaire) et ‹roę› (*2 dans M1550, et *23 dans l’entitère Grammaire).
5La brièveté de ‹y› ne sonne presque rien (« aucune mention »), c’est en tout cas la valeur que Meigret lui assigne. Grâe à ce paragraphe où Meigret pousse l’opposition entre /i/ long et bref, on peut entrevoir son ingénierie linguistique. Si l’étude phonétique (/i/ long ou bref) et le choix sémio-graphique (‹y› grec) font les première et seconde étapes, la transformation des mots (‹loy›, ‹roy›...) en constitue la troisième. Notons au passage que l’enumération des graphies consistent dans tantôt la mise en place de l’orthographe (graphie proposée, comme ‹roę›), tantôt dans l’exercice du raisonnement (graphie existante, comme « roy »). Nous pouvons considérer cette troisème étape, démonstrative, comme celle de test, puisque son intérêt réside dans la vérification du système ou du principe, et moins dans la présentation de l’orthotypographie prête à circuler.
6C’est une « diphtongue » dont Meigret constate l’emploi, et non pas celle qu’il propose ou admet volontiers. A nouveau, il faut mettre en garde à ce changement de point de vue – du sien en celui du locuteur ordinaire.
7Meigret constate que ces graphies sont existantes sous la plume de certains.