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f. A ii r°


Proeſme de Lautheur

SI l’ ordre, & la rayſon que nous tenõ en
noz euures, eſt de tant digne de los, ou
de blaſme, que l’ experiẽce maiſtreſſe de
toutes choſes le conferme, ou cõdamne,
ie ne voy point de moiẽ ſuffiſant ny ray-
ſonnable excuſe pour conſeruer la fac̨on que nous a-
uons d’ eſcrire en la langue Franc̨oiſe. Auſſi à la [ vérité ] veri-
eſt elle trop eſtrange, & diuerſe de la prononciaciõ,
tant par vne curieuſe ſuperfluité de letres, que par vne
vicieuſe confuſion de puiſſance entre elles. Or ſont ce
vices que ie ne ſc̨ay quelle ſuperſticion, ou bien [ nonchalance ] non-
challance de noz anceſtres, & de nous, à miz en auãt
auec vne grande obſeruance, ie dy obſeruance, qui a [ été ] e-
ſté & eſt en ſi bonne recommandation, & reuerence
tant bien gardée, que le deuoir, & loix de bien eſcrire,
& former l’ Image au vray de la pronociacion, n’ ont
pas ſeulement eſté delaiſſées, mais d’ auantage reprou
uées comme vicieuſes, & inutiles. Et combien que la
difficulté que nous ſentons en la letre nous en donne
aſſez bonne euidence, pas vng de nous toutefois n’ a
oſé mettre en auant quelque moien pour y remedier :
tant pour la longue & commune fac̨on de faire, que
pour la crainte de ſembler, controuuer nouuelles inuẽ
cions, & de forger nouueaux troubles à vng peuple en
ſes couſtumes tãt vſitées, & de ſi longue main receues :
& qui au demourant nous ſont ſi recommandées en
toutes noz euures, que bien ſouuẽt ſans autre [ connaissance ] cognoiſ-
ſance de cauſe, & ſans en vouloir receuoir, nous les [ tenons ] te-
nons par trop opiniatrement pour loix, & [ ordonnance ] ordonnan-